Les tréfonds de l’âme contemporaine

(c) Dorothée Thébert-Filliger

S’inscrivant dans la mouvance des performeur·euse·s qui questionnent la place de l’art en lien avec ce qui se passe dans le monde, Pamina de Coulon offre une suite à “Fire of Emotions : Genesis” avec ce nouvel essai parlé : “Fire of Emotions : the Abyss”, constituant ainsi un dyptique sur le rapport au monde des jeunes trentenaires à l’ère ultra-capitaliste que l’on connait.

L’essai parlé, c’est la forme qu’a choisie Pamina de Coulon, au carrefour de la conférence et de la performance, pour tirer le fil de sa pensée depuis la Panthalassa, la mer originelle, jusqu’à la crise migratoire mondiale de ce début de vingt-et-unième siècle. A chaque itération de son essai, l’artiste reconstruit son raisonnement en direct à partir d’un canevas mêlant mouvement zapatiste, fascination enfantine pour le Titanic, Black Blocs, Lampedusa et psychanalyse.

Le débit heurté et d’une rapidité qui frôle la logorrhée n’est pas là pour brosser le spectateur dans le sens du poil, bien au contraire. Il traduit à lui seul l’urgence de la génération Y (Pamina de Coulon est née en 1987) à rompre avec les injustices et inégalités qui passent d’une génération à l’autre. Ode au pas de côté et à la désobéissance civile, “Fire of Emotions : the Abyss” propose d’écouter Nietzsche et de regarder l’abysse dans les yeux en soutenant son regard. Il n’y a aucun refus de responsabilité chez Pamina de Coulon, aucune volonté de se dédouaner en estimant qu’après tout nous n’y sommes pas pour grand-chose si le monde va mal. Il y  a en revanche un constat, suivi d’un refus de se résigner.

Le coup de pied mis dans la fourmillière par la performeuse n’est pas une volonté d’effacer le passé mais de s’en servir comme marchepied pour proposer autre chose. “Fire of Emotions : the Abyss” est un manifeste humaniste et écologique, une plaidoirie pour un monde autre qui incite les rêveurs à s’atteler à la tâche. Une tentative de créer une communauté dans les profondeurs en laissant l’ironie et les winners à la surface. Et c’est vrai qu’on serait bien, sur la ZAD des abysses, avec la multitude de ceux qui ne rentrent pas dans le minuscule moule dans lequel on essaye de nous faire tenir de force.