© Matthieu Sandjivy

« L’Art de la joie » de Goliarda Sapienza dégenrait et défigeait le roman d’aventures, faisant sortir la littérature féminine des décors intimes qu’on lui réservait souvent. Chez l’autrice italienne, l’efficace romanesque était revitalisée par des narrations moins sensationnelles et plus sensitives (notamment du désir), des parenthèses contemplatives, des tâtonnements philosophiques… Voilà pourquoi il est dommage de s’être contenté théâtralement du substrat littéraire que le roman s’échinait à défaire. L’adaptation (encore incomplète) d’Ambre Kahan aligne en effet des vignettes rocambolesques sans vraiment les fissurer. Cela au profit occasionnel du grotesque, voire du kitsch latent de cette écriture qui se trouve bien exhumé, mais au détriment de son irrévérencieuse pluralité. Cela au risque, surtout, de conserver seulement le souffle narratif de l’œuvre, d’illustrer ses visions vivantes par des scènes univoques et parfois vulgaires. Il était judicieux d’introniser un artisanat théâtral généreux pour étreindre cette œuvre populaire au potentiel shakespearien, sauf que la joie – énergie plutôt qu’état émotionnel selon Nietzsche – se brûle les nerfs quand tout est imagerie.