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Marie-Magdeleine, tant dans l’écriture que par le jeu, tournoie et virevolte autour du vide dans chacune de ses pièces. « Tant bien que mal » ne fait pas exception. Elle incarne, seule en scène, les personnages d’une même famille que la mort vient frapper de plein fouet. Christian Bobin a raison lorsqu’il écrit que les fantômes, ce ne sont pas les morts, mais « ce sont les vivants lorsqu’ils se laissent emmailloter par les bandelettes de leurs soucis ». La comédienne-dramaturge joue ici doucement, délicatement avec nos fantômes intimes, reliquat diaphane de celles et ceux que nous avons été dans l’enfance, quand le monde n’était qu’un vaste terrain de jeu. Si l’on désirait alors monter sur la plus haute branche de l’arbre, c’était pour contempler la lune et non se pendre. Elle nous invite, un sourire en coin, à aimer ces personnages qui s’évitent, se fuient pour ne pas avoir à parler, à se parler. En choisissant d’interpréter tous les personnages avec une maîtrise et une justesse qui étonnent – soutenue en cela par l’accompagnement sonore brillant de Nicolas Girardi –, Marie-Magdeleine devient le fil ténu et fragile qui les relie encore. Elle est une pour tous. Ils parlent tous par sa voix et cette voix unique annonce la réconciliation finale. Évidemment, il fallait le talent subtil de la comédienne pour (ré)animer cette galerie de fantômes. Le pari est réussi, et lorsqu’elle nous invite à plonger dans les méandres d’un inconscient en proie au cauchemar, nous sautons avec elle à pieds joints dans la mélancolie. Krystian Lupa disait vouloir rechercher « la danse de l’acteur » avec son personnage. Marie-Magdeleine nous entraîne ici dans une danse trépidante. Oscillant entre le rire et les larmes, nous nous surprenons à aimer ces êtres si proches de nous qui dansent au bord de la parole pour éviter de tomber dans le gouffre.