Chaque année, au cœur de l’hiver, revenir au Festival Parallèle et se sentir ici comme au centre du carrefour de tous les ailleurs. C’est l’histoire qui le veut, nous direz-vous, quand cet événement, que la rédaction suit assidûment depuis trois ans maintenant, prend place à Marseille, cité-monde par excellence sur les côtes de laquelle viennent s’arrimer depuis trois mille ans bientôt les bateaux de toutes les mers et de toutes les cultures. Mais alors que le jeu politique a fini par faire de cette ville le terrain de jeu médiatique sur lequel ne viennent plus s’échouer que les écumes d’une société déconstruite, comment faire aujourd’hui perdurer ce que le territoire fut alors, et nous prouver qu’il peut l’être encore ? C’est précisément le rôle du festival, qui se doit, quand il est bien pensé, d’être la caisse de résonance du territoire dans lequel il s’inscrit, et c’est exactement ce que Lou Colombani et ses équipes ont tâché de faire cette année à nouveau, pour la neuvième édition du Festival Parallèle.
Ainsi envisagée, la semaine que dure l’événement pouvait cette fois-ci être vécue par le festivalier comme un voyage en mer dont les spectacles figuraient les escales à l’occasion desquelles montaient sur le pont des artistes venus par tous les vents, jusqu’à faire de l’expérience la visite d’un monde, de notre monde et de notre temps. Pour ceux qui ne pouvaient vivre le festival dans sa totalité, il suffisait en effet de ne passer que quelques petits jours pour déjà percevoir le pouls du monde que ce festival-stéthoscope voulait nous faire entendre. Ainsi programmés en l’espace de trois soirs, les artistes Anas Abdul Samad, Sorour Darabi, Jaha Koo et Maud Blandel nous permettaient par exemple de passer en quelques heures du ciel bagdadien aux terres iraniennes, avant de nous immerger dans les affres de la politique sud-coréenne, puis au cœur des volutes passées d’une tarentelle italienne aujourd’hui disparue. Des artistes et des spectacles programmés pour leurs qualités individuelles, bien entendu, mais qui, ainsi présentés au public, finissent ensemble par proposer un tout, un voyage dont résulterait une photographie unique du monde dans lequel nous vivons. Évidemment, toutes les étapes ne sont pas toujours aussi fécondes, et certains gestes resteront dans les mémoires plus que d’autres, mais toujours l’idée est là, qui participe à refaire de la ville de Marseille ce carrefour essentiel de l’aujourd’hui qu’on aime, et du spectacle vivant ce qu’il a toujours été : « Le seul moyen de penser un avenir supportable. »