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Après ses conceptuels et drolatiques « Quitter la terre », « Imposture posthume » et « Sans effort » , Joël Maillard propose avec « Résilience mon cul » un stand-up passablement déphasé. Une proposition innervée d’humour noir et de gaucherie plus ou moins intentionnelle.

On le comprend assez vite : Maillard désamorce, une à une, toutes les pistes suggérées par sa proposition artistique. S’il choisit, dans le titre de son spectacle, un mot trendy saturé d’une nébuleuse programmatique psychologisante, ce n’est pas pour la tourner en dérision mais, dit-il, parce que « ça sonne bien » ; s’il fait un calembour, c’est en passant, et presque en s’excusant ; s’il engage, dans une minute consacrée au zélotisme, la voix du Très-Haut en l’incarnant lui-même, c’est pour mieux l’évacuer par un pet dans le micro. La note d’intention du spectacle annonce elle-même que ce dernier sera drôle… ou pas. Ce spectre du funny-not funny – dans lequel excellent d’autres vrais-faux stand-uppers comme Phoenix Atala ou Edward Aczel, qui partagent plus d’un trait commun avec Maillard – joue sur un déconcertement qui n’est pas tant une stratégie scénique qu’un état de fait.

Car si Maillard décline une attitude à la fois faussement naïve, faussement cynique, faussement potache, ce pas-tout-à-fait n’est jamais hypocrite : il laisse plutôt la franche impression que son auteur est empêtré dans toutes ces directions à la fois, sans en choisir aucune. Il aborde des sujets lourds et complexes comme l’euthanasie ou l’abandon des nouveau-nés avec les déconcertantes « boîtes à bébé », dont huit existent aujourd’hui en Suisse. S’il gratte la surface du malaise ontologique que suscitent certaines réflexions sur ces thématiques sociétales, il ne la creuse jamais vraiment, et on ne sait pas si c’est pour préserver son public (regret) ou se préserver soi-même. Maillard court-circuite toute tentative dialectique par des gimmicks et des parenthèses musicales, diversement facétieuses, façon chansonnettes Bontempi de Didier Super.

L’apparence volontairement mal cuite et décousue du spectacle, bien que très écrit, participe d’une dramaturgie du trouble : le performeur annonce dès le début « ne pas vouloir sortir de sa zone de confort », mais on se demande, en ce qui le concerne, si celle-ci existe vraiment. En abolissant la distance supposée entre son personnage scénique et ce que l’on veut bien imaginer être sa propre incongruité existentielle dans la vie quotidienne, on lui sait gré de prendre sur lui l’embarras causé par le monde. Et n’est-ce pas la beauté de l’art comique, aussi explicitement dilettante soit-il, que de vouloir faire du bien ?